Par Philip Giraldi
J'ai déjà émis l'hypothèse qu'un jour viendrait où le président Donald Trump, connu pour son ego démesuré, pourrait bien se lasser d'être manipulé et contrôlé par le lobby pro-israélien américain en général et par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu en particulier. Je pensais, et j'espérais, qu'il serait tellement agacé qu'il se déciderait à prendre le contrôle de cette relation où la queue fait remuer le chien, qui a si longtemps permis à Israël d'être aux commandes. Bien que j'hésite à donner trop d'importance à certains développements récents, les premiers signes indiquent que tout ne va pas pour le mieux dans les relations entre Washington et celui que l'on qualifie pudiquement de "meilleur ami et allié le plus proche des États-Unis".
De nombreux observateurs affirment désormais ouvertement qu'Israël et son tout-puissant lobby américain ont corrompu et contrôlent désormais de nombreux aspects du gouvernement, depuis les plus hautes sphères à Washington jusqu'aux niveaux régionaux et locaux. Si vous voulez vous faire une idée concrète d'un gouvernement qui ne sert aucun intérêt national identifiable, il suffit d'observer la quasi-adoration dont Netanyahu a fait l'objet de la part des membres du Congrès lors de ses récentes visites au Capitole. Ou encore, jetez un œil à la législation "antisémite" et anti-boycott actuellement en cours d'adoption au Congrès, qui privera tous les Américains de leur liberté d'expression et d'association, les empêchant ainsi de manifester contre leur propre pays ou d'autres nations, y compris et avant tout l'État hébreu. Si vous ne voulez pas y croire, jetez un œil à l' histoire qui se déroule actuellement à San Marcos, au Texas, sous l'égide du gouverneur Greg Abbott, fervent sioniste.
Les Juifs représentant environ 3 % de la population américaine, la mise en place d'un tel contrôle grâce à la corruption et au soutien de médias complaisants est une réussite remarquable, mais on pourrait légitimement affirmer qu'elle a causé un tort considérable au pays dans son ensemble et n'a en rien contribué au bien-être du peuple américain. Israël mène actuellement un génocide contre les Palestiniens, financé, armé et soutenu politiquement par l'administration Trump, suivant le modèle établi par Joe Biden, qui pourrait être interrompu d'un simple coup de fil de la Maison Blanche à Netanyahu. Mais malheureusement, jusqu'à présent, personne n'a décroché son téléphone.
Je dois avouer avoir été sidéré par certaines informations récentes, provenant principalement des médias israéliens et étrangers, bien sûr, qui décrivent la rupture entre Trump et Netanyahu. Les signes avant-coureurs de cette crise remontent sans doute au 11 janvier, lorsque l'envoyé spécial du président américain Steve Witkoff a appelé à une réunion à Tel Aviv avec Netanyahu. Netanyahu a répondu que c'était un samedi, jour du sabbat, mais Witkoff, agissant sur ordre de Trump, a insisté et la réunion a eu lieu. Elle s'est avérée être un échange houleux, au cours duquel Trump a exigé la mise en œuvre du cessez-le-feu pour Gaza proposé par la Maison Blanche, ce qui a été fait, même si Netanyahu a ensuite décidé de ne pas le respecter et de reprendre les hostilités avant qu'il n'entre dans sa deuxième phase le 1er mars. Trump a ensuite exigé que Netanyahu lui rende visite à Washington début avril, et on a rapporté des désaccords sur la politique tarifaire de l'administration et sur les négociations américaines avec le Hamas sans la participation d'Israël. Les discussions ont également porté sur les négociations américaines avec l'Iran en vue de rétablir un programme (JCPOA), annulé par Trump durant son premier mandat, destiné à surveiller le programme nucléaire iranien afin d'empêcher sa militarisation. Netanyahu exigeait une "solution libyenne", qui aurait impliqué une guerre avec la participation des forces américaines et aurait détruit les capacités défensives de l'Iran, une option que même la Maison Blanche, pourtant peu encline à faire face à la réalité, savait qu'elle ne serait jamais acceptée à Téhéran. Netanyahu aurait également été furieux de la résistance de l'administration Trump à ses propres plans de nettoyage ethnique des Palestiniens, et de guerre contre les Iraniens.
Ce qui a donc déclenché la rébellion de Washington, c'est la décision américaine de négocier directement avec le Hamas, en écartant Israël, suivie des négociations avec l'Iran, là encore sans la participation d'Israël. Et puis il y a eu les négociations américaines avec l'Arabie saoudite, là encore sans Israël, sur l'intention du royaume de développer son propre programme nucléaire civil. Et enfin, cette décision prise la semaine dernière de conclure un cessez-le-feu avec les Houthis après des négociations directes, qualifiées de manière cocasse par la Maison Blanche de "capitulation" des Yéménites. Certains observateurs ont accepté la formulation, mais se sont demandé qui avait capitulé alors que cette guerre a coûté plus d'un milliard de dollars sans rien apporter. Israël, pour sa part, n'a été impliqué ni dans les négociations ni dans l'accord, Netanyahu mécontent jurant de "se défendre seul".
Mais cette semaine, Trump a envoyé à Netanyahu son message le plus clair. Il prévoit de rencontrer les dirigeants de l'Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et du Qatar au Moyen-Orient la semaine prochaine, sans toutefois y inclure Netanyahu. Le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth, a également annulé un voyage prévu en Israël au même moment, selon deux responsables israéliens, renforçant ainsi le message envoyé par le président. La cause immédiate de la rupture serait que Trump espérait apparemment une désescalade majeure, voire un cessez-le-feu à Gaza, qui aurait été le point culminant de son voyage et dont il se serait attribué le mérite, mais Netanyahu a plutôt appelé les réservistes de l'armée et ordonné une escalade majeure. Le Times of Israel a rapporté que "Trump est déçu par le Premier ministre Benjamin Netanyahu", citant deux "sources proches du président". Même le chroniqueur Thomas Friedman, habituellement prudent dans ses reportages sur Israël dans le New York Times, suggère ouvertement dans un article intitulé "Ce gouvernement israélien n'est pas notre allié" que le gouvernement Netanyahu ne se comporte plus comme un allié des États-Unis en raison de l'agenda extrémiste de son régime.
Plusieurs articles, s'appuyant sur des sources prétendument multiples au sein du gouvernement israélien, affirment désormais que Trump a de factorompu tout lien avec Netanyahu et n'aura aucun contact direct avec le Premier ministre israélien. Le ministre israélien des Affaires stratégiques, Ron Dermer, ancien ambassadeur aux États-Unis, était à Washington jeudi, où il a été accueilli par Trump et s'est entretenu avec lui. Il lui aurait été dit sans ambages que les États-Unis "continueront à avancer sur leurs plans régionaux sans coordination avec Netanyahu, qu'ils accusent de manipulateur". Un article sur cette évolution a ensuite souligné que ce que Trump déteste le plus, c'est d'être méprisé et manipulé : "Il n'y a rien que Trump déteste plus que d'être présenté comme un idiot ou quelqu'un qui se fait manipuler. C'est pourquoi il a décidé de couper les ponts avec Netanyahu", a ajouté un responsable américain sous couvert d'anonymat.
Ce qui n'est pas évoqué dans les médias, mais qui est néanmoins pris en considération dans les cercles des services du renseignement à Washington, c'est le lien possible entre la mise au ban de Netanyahu et plusieurs licenciements et mutations de hauts fonctionnaires à Washington, notamment celui du conseiller à la Sécurité nationale Mike Waltz, rétrogradé au poste d'ambassadeur auprès des Nations unies. Il semble qu'il existe des preuves solides suggérant que Netanyahu ne faisait pas vraiment confiance à Trump et qu'il l'espionnait, lui et son processus décisionnel, par l'intermédiaire d'un certain nombre de membres de son cabinet, ce qui explique dans une certaine mesure les conversations téléphoniques étranges que le journaliste Jeffrey Goldberg a pu écouter par hasard, et d'autres incidents qui suggèrent que le Mossad ou l'ambassade d'Israël à Washington a établi des relais pour court-circuiter le président, et qui pourraient être qualifiés d'espionnage. Cela expliquerait ainsi les signaux contradictoires émis par l'administration, qui suggèrent que certaines "recrues" sont briefées sur ce qu'elles doivent dire pour faire avancer le programme de Netanyahu.
La suite des événements et leur issue demeurent incertaines, car le puissant lobby israélien redouble très certainement d'efforts pour rétablir la domination de l'État hébreu sur la politique étrangère américaine au Moyen-Orient, que Trump qualifie désormais de "manipulation". Les ultranationalistes sionistes au Congrès avertissent déjà la Maison Blanche que tout accord sur le nucléaire avec l'Iran sera rejeté par le pouvoir législatif s'il ne prévoit pas le "démantèlement complet" de toutes les installations d'enrichissement nucléaire de Téhéran, ce qui est difficilement acceptable et rend tout accord impossible. Les sénateurs Lindsey Graham, Tom Cotton et Ted Cruz, inféodés à Israël, mènent la charge et affirment disposer de suffisamment de voix pour bloquer toute proposition de ce type, ce qui signifie qu'elle ne fera pas l'objet d'une "loi" ou d'un traité et pourra être "dénoncée" par tout nouveau président, comme Trump l'a fait avec le JCPOA original en 2017.
On peut donc constater une certaine évolution dans les relations entre Israël et les États-Unis. Washington semble vouloir retrouver une certaine indépendance d'action dans sa politique étrangère au Moyen-Orient, et cela ne peut être qu'une bonne chose, car les relations déséquilibrées avec Israël n'ont apporté que deuils et souffrances. On espère que cette évolution positive se poursuivra, mais il y aura une forte résistance de la part du Congrès et des médias, sous l'influence du puissant lobby israélien. Trump et ceux qui le soutiennent seront attaqués de toutes parts, mais nous, simples citoyens qui observons tout cela de loin, ne pouvons qu'espérer et prier pour un dénouement favorable.
Philip Giraldi
Article original en anglais : Fed Up with Benjamin Netanyahu?, The Unz Review, le 9 mai 2025.
Traduit par Spirit of Free Speech
La source originale de cet article est The Unz Review
Copyright © Philip Giraldi, The Unz Review, 2025
Par Philip Giraldi